Les crises ou « tempêtes émotionnelles » : l’accueil et la gestion des émotions du petit enfant

Parmi les passages les plus difficiles et délicats de la parentalité se trouvent les crises (ou tempêtes émotionnelles, cf. Au cœur des émotions de l’enfant, Isabelle Filliozat) de nos jeunes enfants. Sujet aujourd’hui à polémique dans la sphère éducative, il convient d’apporter quelques éclairages sur l’accueil et la gestion des émotions des petits, avec un petit focus sur l’aspect polémique que suscite le sujet aujourd’hui.

Du point de vue neurobiologique, une émotion dite « négative » (peur, angoisse, tristesse, colère) déclenche l’hormone du stress, le cortisol. Sécrété en continu sans régulation, son effet est toxique : il détruit les neurones au sein de structures cérébrales importantes, comme l’hippocampe (zone mémoire) et le cortex préfrontal (zone du raisonnement).

Si le phénomène se répète de manière récurrente ou se prolonge dans la durée, il y a un impact sur ces deux zones, avec pour effet un ralentissement de la maturation du cortex préfrontal (nécessaire à la gestion du stress) et un trouble de la mémoire, des compétences exécutives en général (nécessaire à l’ apprentissage, au développement intellectuel).

Laisser un tout petit enfant pleurer dans la durée, lorsqu’il n’est pas encore en mesure de réguler de lui-même ses émotions, est donc délétère : il se retrouve dans un cercle vicieux, car c’est précisément la maturation de ces deux zones cérébrales qui intervient dans la régulation autonome de ses émotions.

Le parent ou l’adulte référent à l’ éducation du petit enfant se doit de l’aider à dépasser sa crise :

  • Par sa présence réceptive, en rassurant d’une voix douce, il accueille simplement le ressenti de l’enfant (le ressenti doit être pleinement vécu et non refoulé)
  • Par son contact, un geste de tendresse, qui générera l’hormone inverse au cortisol, l’ocytocine, provoquant une « cascade bienfaisante » : l’ocytocine déclenchant la dopamine (enthousiasme et créativité), puis la sérotonine (stabilise l’humeur) et enfin l’endorphine (bien-être)
  • En nommant l’émotion ressentie, verbalisant ce qui a eu lieu, reformulant ce que l’enfant a vécu : le cerveau, hors état d’alerte, revient au calme
  • En cas d’altercation avec un tiers, la proposition d’une réparation ou l’invitation à un compromis
  • Plus généralement, en montrant l’exemple en tant qu’adulte , par la gestion correcte de nos propres émotions (accueil de nos propres ressentis, bienveillance envers nous-même et autrui, notre capacité à bien communiquer et entrer en relation)

Progressivement, depuis cet espace d’accueil et de communication, l’enfant apprend à gérer lui-même ses émotions. Il n’a ensuite plus besoin d’aide, à mesure que son cerveau mûrit, il est capable de s’ auto-réguler. Il devient aussi capable d’accueillir celles de l’autre, de la même manière par laquelle il a été lui-même accompagné. Un enfant guidé de la sorte manifeste plus d’empathie dans ses relations sociales, une confiance en lui-même et en l’adulte. Son autonomie est renforcée.

L’accueil bienveillant des émotions de l’enfant nourrit le développement cérébral de l’enfant, en favorisant :

  • le développement et l’augmentation des connexions synaptiques de l’hippocampe : mémoire, compétences pour l’apprentissage
  • la maturation du cortex préfrontal : analyse, raisonnement, autocontrôle
  • la maturation du cortex orbitofrontal : empathie, sens moral, décision

Alors pourquoi l’éducation bienveillante est-elle sujette à polémiques aujourd’hui ?

Un florilège de littérature bienveillante ou positive est apparu au cours des dernières décennies. Études scientifiques à l’appui, en particulier grâce au développement de la neurobiologie appliquée à l’enfant, il est aujourd’hui évident qu’une mise à jour en la matière soit nécessaire, comme pour tant d’autres domaines qui évoluent à la lumière des différentes sciences (biologiques, sociales, comportementales…)

Si la question prête aujourd’hui à discussion, c’est que dans son application concrète il a été observé et constaté (dans la sphère pédopsychologique notamment) que parmi les enfants recevant une éducation dite bienveillante ou positive, certains ne tolèrent pas la frustration, ont des difficulté avec les figures d’autorité et avec les règles en général, ont des réactions pulsionnelles, etc… ; comportements que l’on retrouve pourtant sans peine avec l’éducation dite « traditionnelle », souvent empreinte de violences éducatives ordinaires, soit dit en passant.

Pourtant, les écueils en la matière ne sont clairement pas à imputer à l’éducation bienveillante mais à la confusion, au manque de nuance de certains parents dans le discernement de ces deux axes en particulier : autorité/laxisme chez l’adulte, pulsion/désir chez l’enfant.

C’est donc une méconnaissance du sujet qui pousse d’une part les familles à l’erreur en terme de pratique éducative « positive », et d’autre part les observateurs des « dommages collatéraux » sur le comportement des enfants, qui ont tendance, de ce fait, à propager des raccourcis non fondés sur la parentalité dite bienveillante, générant ainsi des amalgames et un rejet total chez certains.

Pour aller plus loin sur ce sujet, cet entretien éclairant nous rappelle les enjeux éducatifs fondamentaux dont il est question :

Éducation, le grand n’importe quoi – Dialogue avec Isabelle Filliozat (youtube.com)

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